Au mois de janvier, mon associée et moi avons fêté la première année d’existence de notre belle entreprise au cours d’une soirée à Paris. Nous y avons parlé de notre parcours, des obstacles rencontrés ainsi que des victoires remportées. On nous a posé pas mal de questions dont celle à laquelle je ne pouvais échapper :

Mon handicap a-t-il des conséquences sur mon travail d’entrepreneure ?

À la fois plein et à la fois aucune.

Les indispensables

Ma vie quotidienne est, quoi que j’en dise, rythmée par mes capacités physiques. Si aujourd’hui je ne mets pas plus de temps qu’une personne valide à prendre ma douche, ça me demande en revanche plus d’énergie. Pour me maintenir en forme, j’ai besoin de me verticaliser (me mettre debout à l’aide d’un fauteuil électrique) au moins trois quarts d’heure par jour. Lorsque je vais aux toilettes, j’en ai pour environ le double du temps que quiconque d’autre. Et tant qu’à parler de ces trois actions indispensables, sachez qu’il est difficile pour moi de les faire les unes à la suite des autres, encore une fois pour une question d’énergie et de fatigue physique. Je dois donc faire preuve de stratégie dans l’organisation de mon emploi du temps journalier. Mais l’avantage de l’entreprenariat, c’est que l’on a beau travailler énormément, il est plus facile d’adapter nos horaires de façon à ce que notre efficacité soit optimale : nous n’avons de compte à rendre qu’à soi (ce qui, dans mon cas, est déjà beaucoup tant je suis exigeante avec moi-même.)

Les imprévus

Même bien rodée, je ne suis évidemment pas à l’abri d’imprévus, et comme je le dis toujours : un imprévu de cinq minutes pour les uns, durera trente-cinq pour la personne en fauteuil. Si ma voiture un jour décide de ne pas démarrer, ça n’est pas moi qui pourra aller checker le moteur !

En cas de chute lors d’un transfert, je ne me relève pas en quelques secondes : si je suis seule j’en ai pour une bonne heure (et j’aurais fait mon sport pour la semaine), si je dois appeler de l’aide (puisque partons du principe que c’est en semaine au milieu de la journée, Marcel travaille), le temps que la-dite aide arrive et me donne le coup de main nécessaire, une grosse demi-heure a bien pu s’écouler. Sans compter ces jours (rares tout de même, rassurez-vous) où mes jambes sont dans une fatigue telle qu’elles me limitent encore plus que d’habitude dans mes mouvements.

Les démarches médicales

Tout patient dit « neurologique » (qui a été touché au niveau neurologique, à la moelle épinière) doit être suivi. C’est du moins difficilement contournable. On surveille notre vessie et nos capacités musculaires en règle générale. L’ennui c’est que ces suivis demandent des professionnels spécialisés sur ces questions, et il n’y en a pas partout. Je dois par exemple, en ce qui me concerne, bloquer une journée tous les six mois pour faire un aller-retour sur Paris dans le cadre de mon suivi. Et ça c’est quand tout va bien et qu’il n’y a rien d’anormal à vérifier et revérifier ! Ça paraît peu et anodin, mais en réalité quand c’est à vie, et bien, c’est lourd à honorer. Et ce sont des journées de travail perdues pour ne même pas faire un truc sympa à la place !

Daphnée entrepreneure en fauteuil au travail avec son associée

Daphnée et son associée au travail pour Les Attentionnées (©La cabane aux reflets)

Le regard des « collègues »

Quand on est entrepreneure solo, ou même avec une amie et associée comme c’est mon cas, on ne s’attend pas à avoir une énorme vie sociale au quotidien, au moins pendant deux ou trois ans, le temps que la boîte tourne. J’avais tout faux. Dans la ville dans laquelle j’habite, il y a une véritable sororité de nanas entrepreneures qui se serrent les coudes ! Ce soutien est primordial et pour ma part, je les considère finalement comme de véritables collègues car nous sommes toujours en contact grâce à notre groupe whatsapp dédié. Comme dans un contexte normal, certaines sont devenues de bonnes copines voire des amies, et je crois que la raison de mon handicap n’a jamais vraiment été un sujet de conversation ni un tabou. Je pense que la plupart ne la connaissent d’ailleurs toujours pas car, ensemble, nos préoccupations sont autres.

Le regard des clients

Pour ce qui est de notre clientèle, mon fauteuil n’ayant jamais été ni caché, ni pour autant mis en avant, il apparaît comme étant tout simplement… là. Et voilà. L’image que je renvoie ne faisant pas prendre en considération mon handicap, personne au final ne s’en soucie plus que ça et ça me va parfaitement ! C’est même un joli pied de nez à tous ceux qui croient que les personnes en situation de handicap valent moins que les personnes valides : c’est une comparaison qui ne s’avère ni systématique, ni obligatoire, et oui !

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