Cher inconnu maladroit,

Il y a une ou deux choses que je dois t’expliquer pour que toi et moi, nous puissions mieux vivre en harmonie dans ce si vaste et joli monde (la plupart du temps). Une ou deux choses qu’il faudrait que tu cesses de faire ou de dire pour épargner mon petit cœur meurtri et mes humeurs maussades. Tu veux bien faire ça pour moi, s’il te plaît inconnu ?

Arrêter de me dire que ça doit être difficile

Évidemment que ça l’est, je n’ai pas besoin que tu sous-entendes quelque chose d’aussi évident. D’autant que tu dis ça et qu’en réalité tu n’en n’as aucune idée. Mais tu n’imagines pas à quel point elle est blessante cette réflexion anodine, parce qu’elle me donne l’impression que tu ne crois pas à mon bonheur. Comme s’il était impossible. Parce que pour toi, inconsciemment parfois, handicap et bonheur ce sont deux mots qui ne vont pas ensemble. Ça te rassure presque lorsque je ne vais effectivement pas bien, parce que ça paraît plus normal pour quelqu’un comme moi. Et tu as raison il y a des jours où j’étouffe. Alors quand tu me sors ton fameux « ça doit être difficile » je n’ai qu’une envie c’est de rentrer chez moi pour aller me cacher sous ma couette avec mon ours en peluche, comme lorsqu’enfant je faisais des cauchemars. Sauf que les cauchemars normalement on s’en réveille. Moi mon fauteuil quoi que je fasse, aussi fort possible que je ferme les yeux, il sera toujours là demain et avec lui mon besoin de cette chose qui roule. Et puis lorsque je te réponds un logique « oui mais on s’en sort », c’est une espèce de banalité creuse sans aucun sens. Que voudrais-tu que je te dise d’autre ?

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Arrêter de me complimenter pour me consoler

D’abord parce que je n’ai pas (toujours) besoin d’être consolée. Et que ça fait forcé, peu sincère. Je sais que ça part d’une bonne intention et j’accueille ce que tu me dis avec gratitude. Néanmoins j’ai conscience, dans ce contexte, qu’il n’est sorti de ta bouche que parce que tu as ressenti le besoin d’équilibrer quelque chose. Mais rien n’équilibrera jamais ce que le handicap me fait subir au quotidien. Alors à quoi bon chercher ? Me dire que je suis en fauteuil mais que « ça va, vous êtes jolie » ne changera rien. C’est d’ailleurs bien trop déplacé pour être apprécié comme un compliment.

Arrêter de me dire que j’ai du courage

C’est comme dire à une personne qui vient de perdre quelqu’un de cher « Tu sais même décédé il restera toujours dans ton cœur ! » Peut-être. Sûrement. Mais ça ne résout en rien le vide ni le manque. Comme me dire que j’ai du courage ne m’en apportera pas davantage. Et puis ça veut dire quoi « avoir du courage » ? C’est de ne pas se laisser sombrer ? Mais tu ne sauras jamais, toi, comment tu aurais réagi dans mon cas. Je n’ai pas vraiment eu le choix. C’était me battre ou mourir. C’était travailler ou être condamné à vivre alitée. C’était de l’instinct de survie. Pour ce qui est du reste, de voyager, faire du sport, sortir… ça n’est pas du courage, c’est de l’égoïsme. Je me fais plaisir, je profite de la vie, et plutôt que de te dire que j’ai du mérite à cela, ne devrais-tu pas en faire autant ?

Ne t’inquiète pas cher inconnu, je t’en veux pas toujours, et si tu veux demain on ira boire un verre et je t’expliquerai qu’on a pas besoin d’être en fauteuil pour faire des choses folles comme on a pas besoin d’être valide non plus 😉

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