L’humeur du mois… d’octobre 2018

Pour ce tout premier « billet d’humeur », je souhaiterais revenir sur une actualité que j’ai beaucoup vue tourner sur mes réseaux sociaux dernièrement. Aux États-Unis, un homme qui avait la moelle épinière endommagée a pu de nouveau marcher grâce à un long travail avec des électrodes et des exercices physiques intenses alors qu’il était paraplégique depuis trois ans.

Je vous passe les détails, beaucoup s’arrêtent aux gros titres : « Lève-toi et marche : un paraplégique réussit à marcher grâce à des électrodes », « Un paraplégique remarche grâce à un implant », « De l’exosquelette à l’électrode, comment la science parvient à faire remarcher des paraplégiques »… Autant de phrases choc qui feraient croire au miracle, remédiant Lourdes à l’ordre de sympathique petit site historique. Les partages de ces bonnes nouvelles se sont multipliés dans les groupes facebook d’handi dans lesquels je suis et quelques uns de mes proches n’ont pas manqué de m’en parler.

Et ? Et ça me fait sourire d’un air blasé, au grand désespoir de ceux qui abordent le sujet avec grande excitation. Je les comprends, je m’en veux presque. Mais le fait est que cette vague d’alléluias à l’évolution technologique au service des gens qui ne rentrent pas dans le moule de la société actuelle n’est pas la première que je connais depuis que je suis en fauteuil. Pourtant ça ne fait que cinq ans. Et c’est la troisième fois que les médias nous promettent tout à coup monts et merveilles. La première c’était des scientifiques qui avaient utilisé des cellules du nez (les seules qui se régénèrent) pour les implanter dans le dos là où il faut. La deuxième était à propos d’exosquelette couplé à la réalité virtuelle pour « berner » le cerveau, stimuler la repousse des terminaisons nerveuses. Et aujourd’hui, c’est au tour de l’électrode.

Attention, le fait que les améliorations se fassent de plus en plus nombreuses et proches du résultat attendu me ravit, je suis bien contente de vivre au vingt-et-unième siècle pour voir ces avancées s’effectuer. Seulement ce qui me donnait les premiers temps de l’espoir, me laisse aujourd’hui avec un étrange sentiment d’usure. Ça me rappelle l’un des contes que je préférais petite et qui est toujours resté dans un coin de ma tête pour grandir : le petit garçon qui criait au loup. Mais si vous savez, l’enfant de berger qui, pour faire des blagues à ses aînés sonnait souvent l’alerte au loup sans raison ? Et bien le jour où réellement l’animal était venu menacer le troupeau de moutons, plus personne ne le croyait pour lui venir en aide.

Là, ça fait quatre ans que le miraculé à qui l’on a greffé des cellules du nez dans le dos a remarché. Depuis ? Aucune nouvelle.

Ça fait trois ans qu’un hôpital en France a commencé les essais cliniques d’un protocole qui s’est avéré victorieux sur des rats. Depuis ? Aucune nouvelle (même en leur écrivant, même en les relançant, silence radio).

Nous savons que les progrès, quel qu’en soit le domaine, n’arrivent pas du jour au lendemain, que c’est long, et il est normal que la réussite sur un patient soit à ce point positif à relayer. C’est juste que, de façon tout à fait égoïste, je préfèrerais que l’on me présente une assiette avec une part de gâteau près à se faire engloutir, plutôt qu’on me dise juste qu’on a trouvé la recette idéale….

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