… une question amusante d’accord, mais non validiste surtout !

« L’autre jour… »

J’étais à l’hôpital pour un examen bi-annuel et ça ne s’est pas déroulé comme à l’accoutumé, aussi le médecin a-t-il été dans l’obligation de me reprogrammer non pas un mais deux rendez-vous. Bienvenue dans les banals inattendus de la vie d’handi. Imaginez-moi, allongée sur une table, voir la doctoresse s’éloigner dans le but d’aller checker les emplois du temps des praticiens requis. Rien d’étonnant encore n’est-ce pas ? Jusqu’à ce qu’avant d’ouvrir la porte, elle ne me lance une interrogation qui m’a, je l’avoue, quelque peu déstabilisée.

Vous êtes une marchante ?

Pardon… une quoi ?

Une marchante… Vous vous déplacez en marchant n’est-ce pas ?

Ah non, pas du tout, je me déplace avec un fauteuil.

D’accord oui, je ne l’avais pas vu. 

Outre l’expression finalement plus adaptée que le terme de « valide » utilisé à tort et à travers, c’est le naturel de cette phrase qui m’a frappée et qui, en y repensant, m’a plu. La possibilité de l’une ou l’autre des réponses, que je sois en fauteuil ou sur mes jambes, m’était offerte sans que soit sous-entendue une réponse normale et une moins normale.

Je m’explique. Lorsque l’on me demande habituellement si je me lève par exemple, c’est bien souvent pour prendre en compte la complication que ma situation peut apporter. Pour monter dans un avion, dans un bus, pour pratiquer un sport ou une activité. Il y a toujours ces mots tournés qui rappellent qu’une réponse est « normale » et que l’autre ne l’est pas. Est-ce que je me lève, ça devrait être le cas. Sinon ça entraîne des complications, de la manutention, bref, me voilà « handicapée. »

Appréciation tout à fait personnelle… qui a quand même du sens !

Cette fois, la question m’a été présentée tout à fait inconsciemment, de façon beaucoup moins validiste. Parce que ça n’était pas un vocabulaire entraînant mes compétences mais plutôt mon moyen de locomotion. Je ne saurais comment expliquer ce ressenti de façon parfaitement claire et justifiée à vrai dire, mais l’utilisation de la voie passive dans sa phrase ne m’a pas renvoyée à mes incapacités directement. Et c’était plaisant.

« Est-ce que vous mangez de la viande ? » m’apparaît comme une forme d’interrogation plus offensive, que « Est-ce que vous êtes végétarien. » La première implique un non qui, on le sait, sort de ce que la société défini comme étant la norme. La seconde prend en compte une option existante au même titre que n’importe quelle autre.

« Est-ce que vous marchez ? » m’amène à mettre l’accent sur quelque chose que je ne peux pas faire, que ce soit par choix ou non, impliquant un état des lieux presque irréversible. Non je ne marche pas, et ça peut être un problème. Alors que « Est-ce que vous êtes marchante ? » m’amène à un fait, pas une action, qui ne revêt aucun caractère immuable. Je marche ou je roule et ça n’est qu’un mode de déplacement, ça ne prend pas toute la place dans ce que je suis.

Je ne communique pas toujours comme il faut, je ne suis pas joyeuse à cent pour cent de mon temps, je n’écris parfois pas pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, je ne marche pas aujourd’hui mais j’ai marché un jour et remarcherai peut-être un autre. Pourtant, je suis une communicante, une optimiste, une auteure, une roulante, et bien d’autres choses encore.

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