Avant mon accident, je n’avais aucune connaissance du milieu médical. Je me souviens d’une amie, C., qui avait des douleurs régulières aux cervicales et qui devait aller chez le kiné. Je m’inquiétais. Je crois que, tous, nous sommes plus facilement effrayés par ce que nous ne connaissons pas. Je ne savais même pas vraiment ce qu’était le métier de kinésithérapeute. N’ayant pas eu de problèmes physiques jusqu’à mes vingt ans, je n’en avais jamais eu besoin et je partais du principe que ça n’était ni normal, ni bon signe que le médecin y envoie C.

Être imprégnée du pire

Mais depuis, j’ai vécu plus de deux ans en milieu médical, entre l’hôpital et les centres de rééducation. J’ai croisé toutes sortes d’histoires, de tous les niveaux de gravité, du plus bénin au pire. J’ai même vu des récidivistes, si je puis les appeler comme ça. De ceux qui vivent une tragédie, puis une autre et encore une autre. J’ai vu des personnes amputées d’une jambe, revenir après l’amputation de la seconde. J’ai rencontré des accidentés qui cumulaient les erreurs judiciaires en leur défaveur. J’ai un bon copain qui a collectionné les maladies censées être rares. Et puis il y a eu ceux partis en cours de route.

Quant à moi, j’ai vécu mon propre chemin. Difficile. Éprouvant. J’ai dû réapprendre à respirer seule, à boire, à manger, à parler puis, par déclinaison, à faire tous les petits gestes qui, aujourd’hui, jalonnent mon quotidien. Certains de ces gestes sont tellement évidents pour vous, que vous n’avez pas conscience de ce que votre corps vous offre, à être capable de les faire si aisément.

Bonne ou mauvaise épaule sur laquelle s’appuyer ?

Aujourd’hui, je me rends compte que d’avoir été immergée dans des histoires malheureuses aussi longtemps, tous les jours, a fini par m’immuniser contre les mauvaises nouvelles qui touchent au domaine médical. Tant que ça n’est pas grave au point que ça menace la vie même, j’ai l’impression de ne rien ressentir. Parce que mon cœur et ma tête se protègent. Et parce que je sais que ce n’est que le début d’un long voyage. Que ce n’est que le début d’un long combat. Suis-je alors la personne idéale à qui se confier parce que justement, je ne ferai pas dans le pathos et saurai apporter un soutien inébranlable à la personne ? Ou au contraire suis-je celle avec qui elle ne se sentira pas assez accompagnée car trop « habituée » ?

Hier avec Marcel, nous regardions une série qui traite des tueurs en série. Deux des agents qui travaillent aux enquêtes, ont des réactions très opposées face au fait d’être baignés dans l’horreur toute la journée. L’un en devient plus prudent, à en montrer parfois des signes de paranoïa, quand l’autre semble être de moins en moins atteint par ce qu’ils découvrent, comme s’il parvenait à s’en détacher.

Je me suis retrouvée dans les deux. Le second tant qu’un pronostic vital n’est pas engagé, ou que ça ne concerne pas mes parents et Marcel – bientôt Bébé. Le premier lorsque la bascule a lieu et que le drame entraîne une fin sans joie ni espoir.

Finalement…

Ajoutons à cela mon optimisme, et j’aurai toujours suffisamment confiance en la vie pour ne pas m’affoler trop vite d’un cancer ou d’une blessure grave. Et je suis bien plus apte à accompagner un proche dans ce qu’il faut faire pour aller mieux, que lorsque la maladie est dégénérative et qu’on ne peut rien pour y remédier. C’est ainsi.

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