Il y a quelques jours, j’ai voulu rassurer une amie, qui s’était fait critiquer inutilement par son ex compagnon, en lui disant qu’en ayant conscience de sa valeur, elle ne devrait pas se laisser toucher par ce qu’elle sait ne pas être (tu me suis ? Je te laisse relire la phrase.) Mais en y réfléchissant, je me suis rendue compte que j’avais employé un mot extrêmement maladroit. « La valeur. »

 

La dévalorisation, ce fléau si répandu !

Combien de fois ai-je entendu ou lu des handi dire qu’ils avaient l’impression de ne pas avoir de valeur, ou de ne plus en avoir assez. Pour faire le boulot dont ils ont envie, pour rencontrer quelqu’un avec qui partager leur vie, pour qu’on s’intéresse à eux en règle générale. Et je dis ça, j’y suis passée aussi. « Se dévaloriser », se donner moins de valeur que l’on en aurait. Mais c’est quoi, la valeur de quelqu’un ? J’ai de la valeur par rapport à qui ? Par rapport à quoi ? C’est sûr que si la valeur se quantifie à la capacité de courir un marathon, je n’en ai aucune.

A une certaine époque, et même encore aujourd’hui dans certains esprits, la valeur d’une femme se mesurait à sa capacité de tenir une maison. La valeur d’un homme à rapporter de l’argent au foyer, à sa famille. Mais bon. Ce sont les mêmes esprits qui s’imaginent qu’une personne en fauteuil ne peut pas vivre de façon autonome. Qu’une personne avec un handicap n’a ni vie sexuelle, ni vie professionnelle. Parler de valeur, c’est impliquer une comparaison puisque c’est se positionner sur une échelle. Or il n’est pas toujours très sain de se comparer aux autres humains. Parce que selon la réponse qu’inconsciemment nous cherchons, que ce soit pour se rassurer ou pour se flageller, on trouvera toujours un exemple pour aller dans un sens ou l’autre. Soit mieux, soit pire donc.

 

Se reconnaître imparfait mais prometteur !

Ainsi, plutôt que de se regarder et de se dire « okay, je connais ma valeur » (ce qui au final n’a aucun sens), si nous nous regardions pour se dire « okay, je connais mes capacités » ? Être capable, voilà. Je sais que je suis capable. De cuisiner, de dessiner, de fabriquer, de prendre soin, de réfléchir, d’écrire, de se souvenir, de deviner, de parler, de réparer, etc, etc… Pas « mieux » qu’untel ou untel. Seulement… pouvoir.

C’est une nuance de vocabulaire qui me rappelle celle qui existe entre l’orgueil et la fierté justement. Être orgueilleux implique de se mettre au-dessus de l’autre. Être fier c’est simplement apprécier ce que l’on a accompli, reconnaître que c’est bien. Quelqu’un qui dit « je pense être un bon professeur dans mon école » par exemple, c’est quand même très différent de quelqu’un qui dit « je pense être le meilleur professeur dans mon école ».

En tant que personne en situation de handicap, tu n’es pas une personne dénuée de valeur. Tu es une personne avec des caractéristiques, des capacités, des talents, des défauts, des qualités… Oh mais attends ! C’est le cas de tout le monde ça en fait non ?

 

Le verbe être avec bienveillance

J’ai dit la semaine dernière au cours d’une discussion « je sais ce que je vaux », et c’est faux. Parce que c’est très mal formulé. « Je sais qui je suis » serait certainement plus juste, bien que l’on n’atteigne jamais vraiment cette vérité. Disons que j’ai conscience de mon caractère exécrable lorsque je me suis levée du mauvais pied, j’ai conscience de savoir écrire de jolies phrases, j’ai conscience d’avoir la très mauvaise habitude de manger à outrance lorsque mes émotions sont très fortes, j’ai conscience d’être un être qui s’émerveille facilement. Et ça n’implique que moi et moi seule.

Alors d’accord en fauteuil tu ne feras pas d’escalade, tu ne gagneras pas à la marelle (mais aux chaises musicales si !) et tu ne monteras pas en haut d’un château médiéval. Est-ce que ça fait de toi un individu sans valeur ? Je ne crois pas. Ces « faiblesses » font seulement de toi un individu unique. Et puis, la diversité est justement faite pour se compléter il me semble : tu ne peux pas monter les marches de cette boutique si mignonne qui te fait de l’œil ? Un ami musclé pourra te venir en aide. Tu sais, celui qui est une quiche en pâtisserie ? Alors que pour toi, les crèmes chantilly, biscuits cuillères et gâteaux à étages n’ont pas de secret. Et bien vous savez qui fera le dessert ce week-end, et voilà tout.

* Tu n’as pas besoin d’être parfait pour être extraordinaire

Sur ce, je te laisse, j’ai un texte à corriger pour cette copine qui fait plein de fautes d’orthographe… mais qui a un don pour ressusciter mes plantes dont je ne sais pas m’occuper 😉

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