Je ne le dirai ni ne l’écrirai jamais assez, une personne adulte en situation de handicap, si elle est en possession de tous ses moyens intellectuels et mentaux, peut être aussi responsable qu’un adulte valide. Par ce fait, elle devrait avoir autant de droits : droit de choisir, droit d’accepter, droit de refuser, droit au respect. Donc il est important de proposer avant d’imposer

Je vais vous aider => Souhaitez-vous que je vous aide ?

La plupart du temps, je sais ce que je fais au quotidien. Ça fait plus de dix ans que je vis en fauteuil, j’ai un corps qui fonctionne de façon parfaitement unique, je connais mes forces et mes faiblesses. Alors il arrive souvent que, lorsqu’on me propose de l’aide pour un acte qui m’est coutumier, je décline gentiment. Il n’est par exemple pas rare que ce soit le cas quand je m’installe dans ma voiture et embarque mon fidèle destrier. Ce que les personnes extérieures ont parfois du mal à envisager, c’est que leur expliquer comment m’aider puisse me prendre plus de temps – et même d’énergie – que de le faire moi-même. Je ne reviendrai pas sur ceux qui ne demandent même pas la « permission » de m’aider et finissent par me mettre en danger, j’avais écrit un article sur le sujet juste ici.

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Passez Madame, passez ! => Avez-vous besoin de passer devant ?

Ça paraît étrange pour certains, mais avoir un droit n’implique pas qu’on doive le prendre. Le fait de pouvoir passer devant tout le monde dans les files d’attente résulte d’un besoin que tout handi n’a pas toujours. Il y a des handicaps qui rendent la position debout douloureuse, ou d’autres qui ne permettent pas de se retenir très longtemps lorsque la vessie est pleine. En ce qui me concerne, quand je suis dans mon fauteuil, que j’attende cinq minutes ou bien trente à une caisse ne changera pas grand-chose. Comme n’importe qui d’autre, ça me mettra peut-être en retard pour un rendez-vous. Je ne me sens pas toujours légitime à passer devant tout le monde si ça n’est pas indispensable et que je risque de prendre la place de quelqu’un qui, lui, en aurait vraiment besoin. Sauf que parfois, on ne m’en laisse pas le choix ! Or je préfère ne le faire que si j’ai une crise de spasmes ou si j’ai un traitement qui me fatigue par exemple.

J’ai le droit de refuser que l’on touche mon fauteuil

Mon fauteuil est une partie de moi. Mon fauteuil est presque indissociable de moi. Mon fauteuil, mon corps, mon choix, et oui, là aussi. Même si pour vous ça n’est qu’un objet. D’autant que, souvent, ceux qui touchent le fauteuil le font pour le pousser, donc pour me contraindre si je ne l’ai ni demandé, ni accepté après une proposition. Si je dis non, ça n’est pas de l’ingratitude ni du caprice, c’est ce que je considère comme étant la réponse adaptée à la situation qui ne devrait requérir aucune justification.

J’ai les capacités pour être l’interlocutrice principale

Est-ce la hauteur à laquelle je me trouve en fauteuil, le fait que je sois une femme ou bien les deux, il est fréquent soit que l’on m’infantilise, soit que l’on m’invisibilise. Si je suis avec mon Barbu, avec une amie, avec un proche, beaucoup de personnes s’adresseront à eux plutôt qu’à moi, et ce même si c’est moi qui ai entamé la conversation. Dans ce cas-là, ça a tendance à passablement m’agacer : je ne suis pas du genre à laisser faire les autres ce que je souhaite faire moi-même (gérer des artisans pour des travaux de maison, demander des informations administratives, parler argent, etc.)

J’ai le droit de garder pour moi mon histoire

Des inconnus m’ont déjà reproché d’être désagréable, uniquement parce que j’ai eu le culot de refuser de répondre à leur question. La fameuse qui est souvent introduite par un « sans être indiscret » et qui aborde le sujet de ce qu’il m’est arrivé pour être en fauteuil aujourd’hui. Je ne suis pas une leçon de vie et il y a des jours où je n’ai pas envie, pas l’énergie, pas le temps, de raconter ce que j’ai vécu il y a douze ans juste pour satisfaire la curiosité mal placée de certains. Je n’ai rien contre le fait que l’on me pose la question, j’ai l’habitude, mais je trouve gonflées les personnes qui réagissent mal lorsque j’indique ma volonté de ne pas en parler. Poser une question implique que l’on accepte d’avance les réponses qui peuvent être données. Sinon ça n’est, dans ce cas précis, qu’un ordre mal formulé.

Tout cela pour peut-être me répéter mais chaque handi réclame ce qui ne devrait pas sembler si extraordinaire : le droit de décider pour nous-même. L’aide est précieuse quand elle est proposée, pas imposée. Le respect commence là.

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