(Ou comment banaliser le mépris des personnes handicapées en deux scènes et trois applaudissements)
Un cliché utile ou une paresse scénaristique ?
J’ai regardé, en tombant dessus par hasard, le film « Flashback », porté par la très drôle Caroline Vigneaux. Quelques jours plus tard, le Barbu et moi avons dévoré la série « Les Dossiers oubliés », avec Matthew Goode. Deux univers très différents. Pourtant, un détail commun m’a sauté aux yeux. Au début je l’ai trouvé amusant puis, en y réfléchissant, j’y ai décelé un vrai problème. Dans les deux cas, le ou la protagoniste principal.e a l’habitude de se garer n’importe où n’importe comment, dont souvent sur des places réservées aux personnes en situation de handicap. Sans raison, sans gêne, et surtout sans conséquences.
Le but est clair et facilement compréhensible : nous faire intégrer que ce personnage est un anti-héros, la mode du moment. Arrogant, égoïste, indifférent aux autres, un joli petit cocktail de sympathie. Et quoi de mieux pour illustrer ça rapidement que cette bonne vieille technique visuelle : les faire se garer sur une place handi lors qu’ils n’en ont pas la légitimité. C’est efficace. Ça crie au monde : « Je suis un enfoiré et je me fiche de ce que vous en pensez. » Une image qui ne requiert aucun dialogue.
Sur le moment, je me suis dit que c’était pas mal, ça m’a fait sourire. Pour une fois, l’absence de respect envers les personnes handicapées n’est pas invisibilisée. Mieux : elle est utilisée pour caractériser un sale type. Peut-être qu’on va faire passer un message ?
Mais très vite, l’effet inverse a pointé le bout de son nez.
Et si on trouvait ça… pas si grave ?
Le souci c’est que ces personnages sont construits de façon à ce qu’on les aime « quand même ». C’est le principe du protagoniste désagréable. Il est imbuvable, mais brillant. Exaspérant, mais drôle. Derrière sa carapace d’insensible, c’est une personne blessée et nous, spectateurs bien conditionnés, on finit par tout lui pardonner.
Alors quoi ? Ce n’est plus si grave finalement ? C’est sûr, mieux vaut qu’on le voit se garer sur une place handi plutôt que tromper son ou sa conjointe.e, c’est plus facilement excusable. Et c’est bien ça le problème. Le scénario ne revient jamais sur ce genre de « détail ». Ce n’est ni dénoncé, ni puni, ni évoqué. Juste… digéré. Une petite faute qui passe, quoi.
Sauf que non. Ce n’est pas anodin.
Dans la vraie vie, quand vous choisissez sciemment de vous garer là où vous n’avez pas le droit, vous prenez un espace à quelqu’un pour qui c’est une nécessité. Vous imposez votre confort à la place de la liberté d’un autre. Ce n’est pas juste malpoli, c’est égoïste, violent. Et franchement, pas sexy du tout.
La scène de trop ?
Alors oui, ces personnages complexes et bourrés de défauts, on les adore au final. Mais les filmer en train de mépriser les personnes en fauteuil (ou autre), devrait être montré comme étant une vraie faute, pas juste un gag visuel à oublier trois minutes plus tard. Parce que moi, ce genre de scène, je ne l’oublie pas et je ne peux m’empêcher de penser que ça banalise ce que l’on tente désespérément d’éviter : les « non mais j’en ai pas pour longtemps » ou les « oh ça va, y’a pas d’handicapés ici de toute façon. »