En plus de douze ans de vie en fauteuil, s’il y a bien une chose à laquelle je me suis habituée, c’est d’être considérée comme une handi avant tout autre chose. Où que j’aille et quoi que je fasse.
Je suis d’abord un problème avant d’être une solution, une interrogation avant d’être une réponse, une personne avec un manque avant d’être un individu complet.
Mais la dernière aventure à laquelle j’ai dû faire face, l’urgence, le branle-bas de combat – pour ne pas parler de combat tout court – celui-là m’a fait ressentir autre chose.
La bonne attitude
Pour la première fois depuis longtemps, il n’a pas été question de moi comme la patiente en fauteuil qu’il faut « gérer », mais bien de la maman qu’il faut accompagner. Et ça, je ne m’en suis aperçue que récemment, lorsque j’ai enfin eu cinq minutes pour réaliser la tornade que je venais de traverser un mois durant.
J’ai dû donner naissance à ma fille deux mois plus tôt que prévu, césarienne en urgence à la clé, puis m’occuper d’elle tout novembre dans le service de néonatologie. J’ai eu affaire à des chirurgiens, des gynécologues, des anesthésistes, des aides-soignantes, des infirmières, des puéricultrices, une psy, une assistante sociale…
BREF.
À toute une partie du personnel soignant qui compose une maternité et une néonatologie. Ça en fait du monde.
Et pour une fois, je n’ai pas été invisibilisée. Pour une fois, aucun n’a parlé à mon conjoint plutôt qu’à moi alors que j’étais la première concernée par ce qu’il se passait. Aucun n’est parti du principe que je n’étais pas capable de faire ce qu’il y avait à faire. Aucun ne m’a sous-estimée ou n’a parlé de moi à quelqu’un d’autre alors que j’étais dans la pièce.
J’ai toujours été impliquée dans la conversation. Que ce soit au sujet de mon bébé, de l’intervention, de mon suivi médical, j’avais voix au chapitre. J’avais un pouvoir de décision. J’étais considérée comme la mieux placée pour savoir ce qui pouvait être bon pour moi ou pour mon enfant, dans un partage naturel avec les professionnels de santé. Ils m’ont conseillé sans m’infantiliser, m’ont appris des choses sans être condescendants.
Une exception qui devrait être la règle
Ça paraît étonnant à souligner ? Ça semble aller de soi ? Vivez dans un fauteuil, et voyez comment le monde se comporte avec vous.
Ne pas être « la nana en fauteuil » mais être « la maman de Progéniture », m’a permis de laisser de côté ma différence. J’étais là comme les autres femmes qui étaient enceintes, puis comme les autres patientes qui subissaient une césarienne, et enfin comme les autres mères qui avaient leur premier enfant.
Ça a été reposant. Reposant de ne pas être dans l’obligation d’éduquer ou de sensibiliser au handicap alors que je devais déjà faire face à une situation difficile. Reposant de ne pas avoir le fait d’être en fauteuil me revenir constamment au visage. Reposant de pouvoir rester focus sur ce que je vivais en tant que femme, ce que je vis en tant que maman, plutôt que sur ce que je suis qui peut déranger ou interroger.
Que l’on ne me dise pas que c’est normal, « parce que j’étais dans un hôpital », je vous assure que ça n’est malheureusement pas gage de bonnes attitudes. Car c’est ça être handi.
Heureusement, je n’ai jamais été que ça. Et je suis heureuse de rencontrer des gens pour qui c’est une évidence.



